•  

    loin
     
     
    CHAPITRE 7
     

    Mathiew




    Je savais qu’il y avait quelque chose qui clochait lorsque je suis arrivée dans l’abri. Elle était là allongée, emmitouflée dans son sac de couchage. Je m’approchais doucement, je savais qu’elle pouvait être impulsive à son réveil.

    Seulement j’avais beau gémir rien n’y faisait, elle ne se réveillait pas. J’ai mis ma truffe humide dans sa main, elle était inconsciente c’était sûr. Elle était brûlante, je devais faire quelque chose immédiatement sinon elle allait mourir. Je prenais conscience à cet instant que je ne voulais pas la perdre.

    Je n’avais plus le choix que de me transformer ici en espérant que personne ne ferait attention à ce qui se passait de ce côté-ci de la ruelle. Je me recroquevillais et reprenais ma forme humaine. Je regardais si je n’avais pas été vu et ne voyais personne. J’étais soulagé mais je n’allais pas la transporter jusqu’à chez moi alors que j’étais nu comme un ver ? Je fouillais l’abri d’Alice et trouvais un vieux survêtement et un tee-shirt. Heureusement pour moi Alice prenait des vêtements assez larges et je n’étais pas trop ridicule dans ses vêtements.

    Je prenais son sac, le mettais sur mon dos et puis la jeune fille brûlante de fièvre dans mes bras. J’étais décidé pour passer par derrière ne voulant pas croiser un autre des sans-abris.

    J’avais atteint mon appartement rapidement et n’avais rencontré personne durant mon périple. Je montais à l’étage et la posais devant ma porte. Il fallait que je récupère mes vêtements et mes clefs. Je courais tout le long du chemin et c’est essoufflé que je mettais les clefs dans la serrure et que je reprenais Alice dans mes bras.

    Avec mon pied je poussais la porte et je traversais les pièces pour aller la déposer sur mon lit. Je me changeais rapidement et allais chercher un gant de toilettes humide que je déposais doucement sur son front.

    J’ai pris le téléphone et appelais un médecin. Il est arrivé 30 minutes plus tard hésitant à ausculter la jeune femme. Putain de médecin j’ai dû lui promettre de tripler ses honoraires pour qu’il veuille bien s’occuper d’Alice. Le verdict tombait. Elle avait une sérieuse pneumonie et il me conseillait de la transporter à l’hôpital. Je ne savais pas pourquoi mais j’ai refusé cette alternative, je jurais de prendre soin d’elle si il m’indiquait clairement la marche à suivre.

    Il avait été convenu qu’il passerait tous les jours pour voir comment elle allait après lui avoir dit que je doublais son tarif jusqu’à la guérison complète de la jeune femme.

    J’avais le temps de prendre une douche avant de m’installer à son chevet.

    Je changeais régulièrement la compresse car le plus important était de faire baisser la température et de faire en sorte qu’elle reste tranquille.

    De temps en temps elle ouvrait les yeux et me fixait. Les seuls mots qui sortaient de sa bouche m’étaient destinés, enfin pas directement.

    - Tu es là mon loup ! Tu es là !

    Et elle retombait dans l’inconscience.

    - Oui. Ne t’inquiète pas je suis là ! lui répondais-je à chaque fois.

    Cela durait depuis cinq jours. Cinq jours interminables. Pour que je puisse me reposer un peu j’avais fait appel à monsieur Blackwells qui nous avait envoyé sa femme. Je ne voulais pas quitter le chevet d’Alice mais je ne tenais plus debout et comme me le disait le médecin je ne lui serais d’aucune utilité si je tombais malade à mon tour.

    J’avais pu me reposer et c’est frais et dispo que je reprenais ma place auprès de la jeune femme. Les médicaments commençaient à agir et la fièvre était enfin tombé.

    Alice était encore entre la conscience et l’inconscience mais je savais qu’elle m’avait vu à son chevet. Quelques couleurs étaient apparus sur son visage la rendant moins pâle.

    J’étais parti me faire un sandwich et à mon retour la jeune femme me regardait comme un chat effarouché et très certainement sur la défensive.

    - Qu’est-ce que je fais ici ?

    - Vous avez été très malade. Vous avez eu une pneumonie.

    - Vous n’avez pas répondu à ma question. Qu’est-ce que je fais ici ?

    - Je vous ai trouvé inconsciente et je vous ai ramené chez moi. J’ai appelé un médecin qui m’a conseillé de vous transporter à l’hôpital. Je me suis dit que ce n’était pas ce que vous auriez voulu et je vous ai soigné.

    La dureté de son visage s’est détendu un peu. Mais elle restait quelque peu apeurée.

    - Je vous assure que dès que vous serez totalement guérie, vous serez libre de partir.

    - Depuis combien de temps je suis ici ?

    - Presque une semaine.

    - Mes affaires ? Où sont mes affaires ? dit-elle en essayant de se lever.

    - Chut ! Calmez-vous ! Vous devez rester tranquille. Vos affaires, du moins votre sac est ici, dans le coin de la pièce.

    - Comment avez-vous su que je n’allais pas bien ? Et comment saviez-vous où j’étais ?

    Je ne devais pas lui dire la vérité, elle me prendrait pour un fou.

    - Je crois que nous avons un ami en commun.

    - Qui ? Monsieur Blackwell ? Carl ?

    - Non. ………………… un loup !

     

    loinrue3

    votre commentaire
  •  
     

    loin
     
     
    CHAPITRE 6
     

    Alice




    La journée avait été éprouvante. J’avais déambulé toute la journée à la recherche d’une petit boulot mais vu le temps qu’il faisait les commerces n’avaient pas trop d’extra. J’étais trempée jusqu’aux os et j’avais froid, très froid même. Je ne me sentais pas très bien depuis quelques jours, je devais couver un rhume. Je devais filer vers mon abri afin de me changer histoire de me sécher et puis ce soir c’était un bon soir pour utiliser le réchaud.

    Il était encore très tôt et Carl est venu à ma rencontre dès qu’il m’a aperçu.

    - Hey ! La môme ! ça va ?

    - Oui, je suis juste trempée et un peu fatiguée. Merci de t’en inquiéter mais ce n’est pas demain la veille que tu aura mon abri.

    - Oh là ! Ne te méprends pas. J’disais ça comme ça.

    - Je sais Carl, excuse-moi.

    - Remarque c’est normal que tu m’en veuilles à cause des deux tarés qui m’ont saoulés.

    - Mais non. Allé je file, je voudrais me sécher, ajoutais-je en frissonnant.

    Je n’avais plus grand-chose de potable mais le vieux tee-shirt et le pull que je trouvais feraient l’affaire. J’avais déniché une serviette de toilette et j’ai entrepris de me sécher les cheveux. J’étais fatiguée et je me plongeais dans ce qui me servait de lit rajoutant la couverture du libraire.

    Comme la nuit n’était pas encore tombée j’avais décidé d’attendre un peu pour allumer mon réchaud. Je savais que mon loup viendrait bientôt et je décidais de me reposer un peu en attendant sa venue, vérifiant une dernière fois que mon couteau se trouvait à ma portée.

    Une chose cependant m’avait troublé, j’avais dit mon loup, mais un loup n’appartenait à personne, un loup c’était indépendant et libre. Je ne me faisais pas d’illusion un jour il partirait. Je fermais les yeux espérant que ce jour n’arriverait pas tout de suite.

    Quelque chose me poussait en gémissant. Je n’arrivais pas à ouvrir les yeux. Je sentais sa truffe humide dans la paume de ma main. Il était là et moi je n’arrivais pas à me réveiller, j’avais froid. Je me sentais partir, mon heure était venue. Au moins quelqu’un veillait sur moi pour mon passage dans l’au-delà.

     

     

    loinrue2

    votre commentaire
  •  

    loin
     
     
    CHAPITRE 5




    Elle était dans son duvet, moi contre elle. Elle me racontait sa journée et moi j’étais allongé pour lui tenir chaud. J’avais hâte qu’elle arrive au moment de notre rencontre. Enfin elle y arriva.

    - Tu sais j’ai encore revu le garçon de la semaine dernière. Celui de la librairie, Mathiew.

    Je redressais ma tête la penchant légèrement en la fixant. Elle riait de me voir ainsi.

    - A chaque fois que tu fais cette tête j’ai vraiment l’impression que tu m’écoutes et que tu me comprends. Tu es un merveilleux compagnon. Mais je sais qu’un jour tu repartiras dans tes montagnes ou dans ta forêt. Tu dois être libre jamais je ne t’empêcherais de t’éloigner de moi.

    Je gémissais légèrement me collant encore plus contre elle. Elle était si triste lorsqu’elle songeait qu’un jour je m’éloignerais.

    - Tu veux savoir la suite c’est ça ? Et bien il m’a presque assommé avec livre. Mais je n’ai pas cru à son manège. Je savais qu’il en avait fait exprès. Mais je ne pouvais pas lui dire que justement je regardais chacun de ses gestes, chacun de ses mouvements. Si il savait ce que j’étais il m’ignorerait comme tout le monde. Je ne peux rien espérer, ma vie est un gouffre dans lequel je m’enfonce de plus en plus. Depuis la mort de mes parents tu es le seul qui m’a réchauffé le cœur mais ce garçon, lui, fait battre mon cœur plus rapidement. Et ses yeux, ses yeux si sombres qui me font penser à quelque chose chaque fois que je le vois. C’est comme si je le connaissais, c’est étrange tu ne trouves pas ?

    Je la regardais, ses larmes coulaient le long de ses joues. Elle s’est couchée en passant un bras au-dessus de moi et s’est endormie en pleurant silencieusement.

    Pourquoi autant de souffrance dans le cœur d’une si jolie jeune femme ? Si je n’avais pas cette apparence animale mes larmes auraient jaillies en même temps que les siennes tellement j’étais bouleversé.

    Il fallait que j’en sache plus. J’ai tenu deux jours avant de retourner voir Monsieur Blackwells.

    - Encore vous Mathiew, me dit-il d’un air espiègle. Si c’est Alice que vous êtes venus voir elle ne travaille pas ici aujourd’hui. Mais demain je pense la voir.

    - C’est vous que je viens voir. Je voudrais en savoir plus sur Alice. Je…

    - Vous vous intéressez à elle. Je l’ai bien compris mais en fait elle est comme un chat sauvage. Si elle apprenait que l’on ait eu cette discussion elle ne me rendrais plus visite.

    - Elle travaille pour vous, non ?

    - Oui et non. J’ai voulu lui donner plus mais si on se montre charitable elle prend la fuite. Je n’ai trouvé que ce moyen pour lui venir en aide.

    - Ça fait longtemps que vous la connaissez ?

    - Presque trois ans.

    - Elle est si jeune.

    - Oui à mon avis elle ne devait pas avoir plus de seize ans lorsqu’on l’a vu trainer par ici. J’ai voulu la sortir de cet univers, lui faire une place derrière pour qu’elle puisse se réchauffer l’hiver mais il n’y a rien à faire. Il y a même une période où je ne la voyais plus à la boutique. Je la voyais passer sur le trottoir d’en face. Elle me boudait alors quand elle a refranchi cette porte je n’ai plus cherché à lui faire faire ce qu’elle ne voulait pas.

    - Est-ce que vous savez d’où elle vient, qu’elle est son histoire ?

    - Non c’est un vrai mystère.

    - La tâche risque d’être plus dure que je ne le pensais.

    - Je peux vous dire quelque chose.

    - Bien sûr.

    - Je vois bien que vous êtes attirés l’un par l’autre. Mais je ne tolèrerais pas que vous lui fassiez du mal. Si vous n’êtes pas sincère je vous demanderais de ne plus la voir, elle ne s’en remettrait pas. Par contre il y a une chose dont je suis certain, l’amour est la seule chose qui pourrait la sortir de cet univers.

    - Je comprends ce que vous voulez dire mais je veux réellement lui venir en aide.

    Je n’avais pas appris grand-chose malheureusement. La seule chose qui m’avait marqué c’était qu’elle était dans la rue depuis ses 16 ans. Je n’arrivais pas à y croire. Qu’est-ce qui a bien pu la pousser à cet extrême ? La mort de ses parents ne devait pas être la seule raison.

    Peut-être qu’un jour elle se confiera à mon autre moi.

    Je rentrais dans mon appartement ne sachant comment venir en aide à Alice.

    Ses paroles résonnaient encore dans ma tête, je lui faisais battre le cœur plus vite. Je l’attirais.

    Je regardais par la fenêtre, il pleuvait depuis ce matin et le froid était toujours là, menaçant les pauvres gens qui dormaient dans la rue de ne pas survivre une seule nuit de plus.

    Mais pour Alice ça n’arriverait pas. Je serais là chaque nuit pour la réchauffer jusqu’au jour où elle aurait suffisamment confiance en mon moi humain pour me suivre jusqu’ici.

    La sonnerie de mon téléphone m’indiquait que j’avais encore un message. Bon sang ils ne me laisseront jamais tranquille. Je ne voulais pas leur parler, j’avais fait le choix de partir pour vivre une vie normale. Je n’avais pas prévu de faire ressortir l’animal de si tôt. Et si ils me cherchaient ? Non ! Je ne les suivrais pas, j’avais réussi le détachement une fois, je ne succomberais pas.

     

    loinrue1

    votre commentaire
  •  

    loin
     
     
    CHAPITRE 4




    Cela faisait presqu’une semaine que chaque jour à la tombée de la nuit je rejoignais l’abri de ma belle pour veiller sur elle dans son sommeil.

    Plus j’étais près d’elle, plus je m’attachais à cette écorchée de la vie.

    J’étais de plus en plus curieux de savoir ce qui l’avait poussé à vivre là mais une chose était certaine ce choix n’était pas volontaire.

    Je la regardais manger son modeste repas qu’elle voulait partager avec moi. Comment lui dire qu’elle en avait certainement plus besoin que moi ?

    Elle me racontait sa journée en n’oubliant aucun détail. Elle m’a parlé de moi aussi, enfin de mon moi humain. A ces mots j’avais tendu l’oreille lui montrant que j’étais attentif à ce qu’elle disait. Elle me trouvait très mignon mais un brin arrogant. Elle se demandait ce que je pouvais bien faire pour avoir atterri dans ce quartier. Comme j’aimerais tout lui raconter. Mais serait ce possible un jour ? En tout cas si je n’arrivais pas à faire parti de sa vie je ne m’éloignerais que lorsqu’elle serait en total sécurité. Même si c’est la seule chose que je ferais dans cette ville, je lui ferais quitter la rue.

    Elle travaillait aussi dans une quincaillerie, un magasin de bric et de broc où tout le monde trouvait son bonheur. Elle arrivait à gagner quelques dollars ici ou là, juste de quoi s’acheter de la nourriture.

    Les nuits étaient de plus en plus froides. Cela m’était égal bien que ça faisait un moment déjà que je n’avais pas cette expérience.

    Grâce à ce Carl je savais enfin qu’elle était son prénom. Alice, voilà comment elle s’appelait. Tout de suite on pense à Alice au pays des merveilles et bien là maintenant, à cet endroit, il n’y avait rien de merveilleux. Nous étions plutôt dans un monde cruel et triste. Et pourtant je sentais qu’à mon contact elle souriait plus qu’auparavant et ça me rendait heureux. Mais en forme animal que pouvais-je faire pour elle à part la réchauffer et la protéger.

    Alice me rappelait ce que j’avais dit dans la boutique que j’y retournerais la semaine après notre rencontre. Je n’arrivais pas à le croire elle attendait cette nouvelle rencontre et irait voir demain si monsieur Blackwells avait besoin d’elle. Si un loup pouvait sourire c’est ce que j’aurais fait à cet instant.

    J’avais appris à la connaitre un peu et je savais qu’elle n’aimait pas la charité ni la pitié à son égard.

    Nous avions pris l’habitude de partir ensemble. Je l’accompagnais jusqu’aux premières habitations où chacun de nous prenait sa propre route.

    Je regardais autour de moi afin de ne pas être vu lors de ma transformation. Je m’étais trouvé un coin tranquille à l’abri des regards mais je devais être vigilent.

    Depuis deux jours mon portable n’arrêtait pas de sonner. Je savais ce que ça voulait dire mais je ne voulais pas y penser, du moins pas tout de suite. J’étais conscient qu’il leur faudrait une explication. Ils avaient senti que je me transformais chaque nuit. J’avais échappé à tout ça et pourtant ma nature me rattrapait indéniablement.

    Je m’attardais sous la douche où l’eau chaude ruisselait sur ma peau hâlée.

    Très vite mes pensées revenaient vers Alice. Son visage passait devant mes yeux. J’avais appris à connaitre chaque petite parcelle de celui-ci. J’ai fermé les yeux m’imaginant tracer une ligne imaginaire à l’aide de ma main de sa tempe jusqu’à son menton. La douleur était là au fond de moi. Je voulais la prendre dans mes bras, la couvrir de baisers, lui donner ce qu’il lui manquait, un toit.

    J’avais opté pour un jean, un sweat simple et chic à la fois. Je ne voulais pas qu’elle soit gênée en ma présence.

    J’en avais pour cinq minutes à me rendre dans la librairie et pourtant cela m’a paru une éternité.

    J’aimais déjà cette boutique avant, l’odeur des vieux livres, le tintement de la cloche de la porte d’entrée, son propriétaire et maintenant la jeune fille qui se cachait au fond de la pièce derrière des rayonnages.

    - Bonjour Monsieur Blackwells.

    - Bonjour Mathieu, me dit-il en jetant un œil derrière lui. Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ? Vous voulez passer une commande ?

    - Non. Pas aujourd’hui. J’aimerais choisir un roman mais je n’ai aucune idée de ce qui m’intéresserai.

    - Les romans sont là-bas, l’avant dernier rayonnage. N’hésitez pas à me demander si vous êtes indécis.

    Je m’approchais de lui et en chuchotant je lui dis merci alors qu’il me souriait en me faisant un clin d’œil. Il avait compris que ce n’était pas les livres qui m’intéressait aujourd’hui.

    Je furetais ici et là, prenant un livre pour lire le résumé avant de le remettre à sa place. J’ai poussé légèrement celui qui se trouvait à côté pour qu’il puisse tomber de l’autre côté. Je franchissais enfin la dernière étagère et je suis tombé nez à nez avec Alice.

    - Oh pardon ! Je ne vous ai pas fait mal au moins, lui dis-je en ramassant le livre.

    - Non ! J’ai juste sursauté un peu.

    - Désolé. Je vois que monsieur Blackwells avait encore besoin de votre aide. Ce sont de revus anciennes ?

    - Oui. Il en reçoit chaque semaine et j’aime bien venir aider.

    - Je vois ça. Je m’appelle Mathieu mais ça vous le saviez déjà.

    - Oh oui la semaine dernière. Excusez-moi encore mais c’était la première fois que monsieur Blackwells me laissait la boutique.

    - Ne vous inquiétez pas j’avais compris. Je voulais juste vous taquinez un peu. C’est moi qui dois m’excuser.

    - Je dois continuer à trier ces revues.

    - Je ne sais toujours pas votre nom.

    - Alice.

    - Enchantez Alice.

    Je reprenais ma place dans le rayon des romans afin de ne pas la brusquer. Je devais y aller tout doucement. Je savais que si je faisais quelques pas en avant il me faudrait en refaire en arrière. J’essayais de l’apprivoiser tout simplement.

    Mais sur ce plan là j’avais un avantage. Je saurais dès ce soir ce qu’elle avait penser de cette rencontre.

     

     

    loinrue3

    votre commentaire
  •  
     

    loin
     
     
    Chapitre 3
     
     

    Mathiew




    Je pressais le pas afin de rentrer au plus vite dans mon appartement.

    J’étais bouleversé, elle m’avait bouleversé. J’avais tout de suite compris ce qu’elle pouvait vivre. Je savais que dans le quartier il y avait beaucoup de sans abri mais qu’une si jeune fille connaisse cette précarité m’était insupportable.

    Avait-elle conscience de sa beauté ? Elle m’avait touché le cœur à son premier regard. Je m’en voulais d’avoir joué un peu avec elle. Elle avait été mal à l’aise et avait dû prendre sur elle pour se montrer à moi. Son regard était fascinant. Elle devait avoir un sacré caractère et j’aimais ça. Je me demandais si ça faisait longtemps qu’elle était dans la rue.

    J’aurais aimé en parler avec le libraire mais vu sa réaction, il s’était mis un point d’honneur à la protéger et ne m’en avait rien dit.

    Je posais mon livre sur la table du salon. Ce matin, ma seule hâte était d’aller le chercher au plus vite et maintenant il me paraissait insignifiant.

    Il fallait que j’en ai le cœur net, j’attendrais qu’il fasse nuit pour errer moi aussi dans les rues. Je devais la retrouver. C’était comme un besoin. Mais je devais prendre mon autre apparence, celle que j’avais fui. Cet autre moi que je ne voulais plus. Et pourtant j’étais prêt à revenir sur ma décision pour la retrouver.

    J’avais encore en tête son odeur et cela m’était facile de la retrouver.

    Il était 18H30 lorsque j’ai pris la rue déserte derrière mon bâtiment. Je savais qu’il y avait un terrain vague, suivi d’un bois l’endroit parfait pour me transformer. Oh c’est vrai je ne vous ai pas encore dit ce que j’étais et bien je suis un loup. Enfin je me transforme en loup. Bien sûr toute de suite les gens pensent aux loup-garous, la pleine lune, le sang et bien non c’est autre chose.

    J’étais le dernier né d’une longue lignée de surnaturels. Nous étions beaucoup plus nombreux que ce que l’on pouvait penser car nous n’étions pas les seuls. Je connaissais quelques familles autres que la mienne mais qui se transformaient en autre chose. Les Curling par exemple sont des ours, les Forest sont des chevreuils. Il paraissait même qu’en Afrique il existait un clan de lions mais je ne les avais jamais rencontrés. Enfin bref c’était une autre histoire. Je devais me transformer sans aucun regard. Je ne devais pas me faire remarquer et pourtant ceux de mon espèce le sauront dès l’instant où je serais sous ma forme animale.

    La transformation était rapide, c’était même instantané dès l’instant où je l’appelais à sortir.

    Il me fallait être prudent, je ne devais pas me faire remarquer. Si la police soupçonnait qu’un loup se baladait en toute liberté dans les rues de Seattle, ils déclareraient la chasse ouverte et je serais obligé de fuir cette ville.

    J’évitais le plus possible les habitations et restais dans l’obscurité.

    Son odeur devenait plus forte dès l’instant où j’approchais des quartiers défavorisés de la ville. Je me faisais discret mais je savais que personne ne ferait attention vu l’obscurité d’une nuit sans lune qui m’était bien utile je devais bien l’avouer. J’entendais des voix et je pouvais distinguer plus loin des flammes jaunes et oranges qui dansaient au-dessus d’un énorme bidon en fer.

    La jeune femme que je cherchais n’était plus très loin, son odeur commençait à me chatouiller les narines. Cependant quelque chose avait changé, je sentais également la peur. J’entendais la conversation, elle était en danger. Je me dirigeais directement vers les voix. Deux hommes se tenaient devant un abri, enfin je préfère dire un abri car ça ne ressemblait en fait à rien. Instinctivement un grondement est sorti de ma gorge et j’avançais mes babines relevées afin que l’on puisse bien remarquer mes crocs. Je fixais les deux individus avançant en même temps.

    Enfin ils avaient compris car ils reculaient la peur dans leurs yeux pendant que je faisais des allées et venues devant ma protégée. J’étais à deux doigts de leur sauter à la gorge mais nous n’étions pas seuls et je ne voulais surtout pas effrayer cet être si vulnérable qui se trouvait non loin de moi.

    Comment pouvait-on vouloir du mal à quelqu’un comme elle ? Je n’arrivais pas à m’imaginer ce qui aurait pu se passer si je n’étais pas intervenu.

    J’ai attendu que ces malades soient hors de ma vue et je me suis tourné vers elle. Elle me regardait sans savoir ce qu’elle devait faire. Je voulais tellement la protéger. Ça ne devait pas arriver, je ne devais pas être dans cet état. Il va falloir que j’y réfléchisse plus tard.

    Je m’approchais doucement. Elle ne devait pas avoir peur de moi. Elle m’avait dit merci et se préparait à passer une nuit dans cet enfer. J’ai mis ma truffe dans sa main et la poussait légèrement. J’avais besoin de son contact. Elle m’a caressé pendant quelques minutes avant que le sommeil ne l’emporte.

    J’étais contre elle, cette nuit je lui donnerais de ma chaleur et surtout je veillerais à ce que personne ne s’approche.

    Je n’arrivais pas à dormir. Je regardais autour de moi avec mes yeux de prédateur, heureusement d’ailleurs, je n’aurais pas pu supporter de la voir ainsi avec mes yeux d’humain. Il fallait qu’elle s’en sorte mais comment lui faire accepter mon moi humain ? Notre première rencontre avait été compliqué et elle était sur ses gardes. Une chose était sûre elle ne voulait pas de notre pitié. Il va me falloir l’apprivoiser doucement et surtout me munir de patience. En attendant je veillerais sur elle la nuit, elle me fera peut-être quelques confidences.

    J’étais encore dans mes pensées lorsque l’aube pointa. Elle se réveillait et nos regards se sont croisés.

    - Bonjour toi, me dit-elle. Tu es resté tout la nuit à ce que je vois.

    Je lançais un gémissement.

    - Ne t’inquiètes pas maintenant qu’il fait jour ils ne reviendront plus m’embêter.

    Je me levais et poussais sa main comme je l’avais fait la veille. Elle me caressa le haut de la tête. Je fermais légèrement les yeux puis je me suis éloigné, traversant le terrain vague et retournant en toute hâte à l’endroit où j’avais caché mes vêtements.

     

    loinrue2

    votre commentaire